Si la valorisation des Sciences Humaines et Sociales (SHS) est encore en voie de structuration, elle progresse aujourd’hui largement au sein de la recherche publique française et recouvre de nombreuses facettes, à la fois dans la formalisation des résultats de recherche et dans les formes de protection et de transfert économique. Les exemples de projets emblématiques accompagnés par les SATT se multiplient et démontrent leur faculté à impulser, accompagner et accélérer le développement d’innovations majeures pour la société et le bien commun.
Les SHS : un territoire de valorisation à fort impact sociétal
Vaste ensemble de disciplines scientifiques, les Sciences Humaines et Sociales (SHS) occupent une place de choix au coeur de la recherche publique française, notamment au sein des universités, avec près de 30% de laboratoires consacrés à cette thématique parmi l’ensemble des laboratoires de recherche en France et 45% des effectifs de la recherche universitaire. Si culturellement, les chercheurs en SHS ne sont pas familiers de la valorisation de leurs travaux et des pratiques de transfert, c’est pourtant une réalité bien ancrée qui revêt des spécificités et des voies particulièrement diversifiées.
Les innovations issues des Sciences Humaines et Sociales adressent des cibles plus larges que le monde industriel et englobent bien souvent la sphère publique, le monde associatif ou l’économie sociale et solidaire. La production d’actifs et la formalisation des résultats de recherche regroupent des formes diverses – développement de logiciels ou de bases de données, élaboration de contenus ou de médias, création de services à valeur ajoutée – qui imposent un traitement sur-mesure des projets. Si certaines innovations peuvent s’appuyer sur les outils bien connus de la propriété intellectuelle et du transfert, d’autres nécessitent des modes de protection et de valorisation économique adaptés, passant par exemple par des droits d’auteur ou des collaborations de recherche avec des acteurs sociaux-économiques.
L’accompagnement des SATT (Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies) sur ces thématiques est donc primordial et démarre bien souvent par une phase de sensibilisation auprès des équipes de recherche visant à leur faire prendre conscience du potentiel, notamment économique, de leurs recherches et à démontrer tout l’intérêt d’une valorisation par transfert technologique pour ces innovations dont la valeur d’impact social, sociétal et environnemental est déterminante.
Le Réseau SATT, accélérateur d’innovation en SHS
L’action des SATT est multiple et passe par la détection du potentiel d’innovation et de transfert, la recherche de la meilleure voie de valorisation, l’étude du marché, la maturation, le dépôt de titres de propriété intellectuelle ou encore la recherche de partenaires socio-économiques et socio-culturels. Sur la thématique des Sciences Humaines et Sociales, pas moins de 185 projets ont été accompagnés sur l’ensemble du territoire national depuis 2012 et plus de 40 startups ont été créées. Des projets qui couvrent des domaines d’expertise aussi variés que la psychologie et les sciences cognitives, avec le développement d’outils d’évaluation psychométrique pour la dyslexie par exemple, les troubles du développement et de l’attention chez l’enfant ou l’autisme, la formation en entreprises ou encore les industries culturelles et créatives avec des projets à visée patrimoniales, historiques ou archéologiques.
À titre d’exemples, citons le jeu de société [kosmopoliːt] porté par PULSALYS qui propose une expérience coopérative surprenante et immersive au contact de la diversité linguistique, la solution DERI de Toulouse Tech Transfer permettant la création de visuels interactifs adaptés aux handicaps visuels, le programme audiovisuel VIENS ON DANSE de la SATT Lutech produit par Arte et présentant l’origine des danses urbaines aux Etats-Unis ou encore la startup Mobi.deep, soutenue par Ouest Valorisation qui développe des dispositifs immersifs pour l’accompagnement au changement des comportements de mobilité. De son côté, la startup JokaJobs, accompagnée depuis dix ans par la SATT Paris-Saclay, développe une application mobile de recherche d’emploi sous forme de « serious game » incitant les joueurs à développer leur mobilité sur le territoire et se créer un réseau afin d’accéder à de nouvelles perspectives professionnelles.
Un travail au plus près des laboratoires et des chercheurs
L’objectif premier pour les SATT est de transformer la façon dont sont envisagé les résultats de la recherche dans bon nombre de disciplines. C’est d’abord une mission de dialogue et de sensibilisation scientifique qui permet d’assurer la détection des projets au potentiel de valorisation. Un travail de proximité auprès des chercheurs sur un modèle de développement de leurs travaux au-delà de la vie académique. Pour cela, une excellente façon d’y parvenir reste la preuve par l’exemple avec des transferts ou des créations de start-ups réussies. Une approche également développée repose sur l’innovation par les usages et le design qui se prête de manière particulièrement adaptée à l’innovation socio-culturelle. Ainsi la SATT Lutech, par exemple, travaille étroitement avec l’ENSCI (Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle) dans le cadre du CMA Design (Compétences et métiers d’avenir).
Ensuite il faut évaluer le potentiel des projets, réfléchir à la meilleure voie de valorisation et mettre en oeuvre tous les moyens possibles au sein des SATT ainsi que des établissements pour que l’accompagnement soit le plus adéquat : Comité de Propriété Intellectuelle, étude de positionnement, montage d’un dossier de maturation si le projet nécessite un budget spécifique, suivi du projet de maturation, dépôt de titres de propriété intellectuelle et recherche de partenaires socio-économiques et socio-culturels en vue de transférer l’innovation, notamment sous forme de licence d’exploitation.
L’exemple du LISEC et de la SATT Conectus
Accompagné par la SATT Conectus, le projet Eduscript Doctor propose un kit de scénarisation pédagogique pour l’élaboration de cours. S’il visait à l’origine l’amélioration de la conception des MOOC (Massive Open Online Course) par l’intégration du microlearning, ce projet imaginé au sein Le Laboratoire interuniversitaire des sciences de l’éducation et de la communication (LISEC) de l’Université de Haute-Alsace a rapidement pris une dimension plus large en proposant une nouvelle méthodologie de scénarisation de cours ciblant tous types de formations et accessible à tous formateurs. Aujourd’hui après une publication scientifique au sein de la prestigieuse revue américaine « Education and Information Technologies » et un prototypage du kit réalisé dans le cadre d’un programme de maturation et testé auprès de nombreuses universités et centres de formation en France, l’équipe de chercheurs est en discussion, toujours avec le soutien de la SATT, avec un éditeur.
Au sein du même laboratoire, Céline Clément, enseignante chercheuse en psychologie et sciences de l’éducation développe des programmes d’intervention à destination des parents dont les enfants présentent des troubles du neurodéveloppement (autisme, déficit de l’attention et hyperactivité, troubles du langage). Avec le soutien de la SATT Conectus, plusieurs programmes ont été élaborés ou sont en cours d’élaboration, dont « L’ABC du comportement d’enfants ayant un Trouble du Spectre de l’Autisme – des parents en action ! » ou « AAASPI – Accompagner mon Ado avec Autisme dans Ses Particularités et vers l’Indépendance ». Pour la réalisation des manuels et formations destinés aux professionnels du soin, l’accompagnement de la SATT se matérialise de différentes manières : depuis l’expertise spécifique en protection des droits et signature d’accords à la maturation complète et valorisation de programmes.
L’ensemble des SATT mène ainsi un travail de fond dans la prise en compte de la communauté des Sciences Humaines et Sociales, en questionnant les pratiques, en combinant les objectifs de transfert avec l’esprit et les valeurs qui fondent le progrès économique et social. L’objectif est de faire émerger des solutions dont l’impact sociétal et socio-culturel contribue aux stratégies nationales d’accélération (SNA), comme l’enseignement et le numérique ou les industries culturelles et créatives (ICC) françaises, ainsi qu’aux objectifs fixés par l’Etat dans le cadre de France 2030.